Les mécanismes nerveux de la vision et la parenté des Primates


PLAN DU COURS

 

I - Les détails de la transmission nerveuse

II - De la rétine au cortex visuel

III - Vision des couleurs et parenté chez les Primates


La rétine constitue la membrane interne de l’œil sur laquelle se forme l'image des objets. Une étude précise (voir chapitre 1 : de l'oeil au cerveau) montre que cette membrane est garnie de très nombreuses cellules sensibles à la lumière, les photorécepteurs, dont les propriétés expliquent la vision par la création d'un message nerveux visuel qui se propage jusqu'au cerveau.

 

Quels rôles jouent les photorécepteurs dans la vision d'une image ? 

 

I - Les détails de la transmission nerveuse

 

Au niveau d'un photorécepteur lorsqu'une opsine (= pigment visuel) absorbe un photon (énergie lumineuse) cela déclenche une série de réactions chimiques qui génèrent un message nerveux.

 

Ce message nerveux est transmis aux neurones bipolaires puis aux neurones ganglionnaires. Ce message est transmis au travers des fibres nerveuses qui forment le nerf optique.

 

Ce message nerveux peut être enregistré en plaçant des électrodes au contact des fibres nerveuses. Le tout est relié à un oscilloscope qui enregistre les signaux électriques. Voici ce que l'on obtient:

Principe du montage expérimental permettant de mesure le passage du message nerveux dans une fibre nerveuse à l'aide d'électrodes. Source :
Principe du montage expérimental permettant de mesure le passage du message nerveux dans une fibre nerveuse à l'aide d'électrodes. Source :
Source: Hachette SVT doc Bp37.
Source: Hachette SVT doc Bp37.

Une stimulation suffisante, c'est-à-dire une lumière suffisante permet d’enregistrer un message nerveux le long des fibres du nerf optique à l'aide d'électrodes : le message nerveux se déplace le long des fibres nerveuses et il est constitué de signaux électriques Ce n’est donc pas une image envoyée au cerveau, mais des signaux électriques.

 

1- Les photons sont absorbés par les pigments des photorécepteurs rétiniens:

- le photon excite le pigment (opsine) du photorécepteur. Cela entraine une série de réactions chimiques qui provoque la dépolarisation du photorécepteur et la création du message nerveux visuel (il s'agit d'un signal de nature électrique).

2- Le message visuel est acheminé par le nerf optique. Dans l'ordre on retrouve :

Photorécepteurs → nerf optique → chiasma optique → aires visuelles spécifique du cortex occipital

Comment s'effectue la perception visuelle au niveau du cerveau ?

 

II - De la rétine au cortex visuel

La rétine crée le message nerveux mais celui-ci doit être transmis jusqu'au cerveau qui permet de créer l'image d'un objet.

 

 

Le schéma ci-dessous montre l'interprétation d'IRM effectuées au niveau du cerveau d'une femme. Les fibres rouges et bleues représentent le tractus optique (c'est-à-dire l'ensemble des fibres nerveuses et parties du cerveau en lien avec la vision).

Champ visuel chez l'Homme. Source: http://acces.ens-lyon.fr/acces/ressources/neurosciences/
Champ visuel chez l'Homme. Source: http://acces.ens-lyon.fr/acces/ressources/neurosciences/

 

La compréhension du trajet emprunté par le message nerveux a été possible par l'interprétation de lésion effectuées tout au long des fibres nerveuses depuis l’œil jusqu'au cortex occipital. Voir le document ci-dessous.

Effets de lésions sur le champ visuel de l'Homme. Source:http://svt.leverrier.free.fr/
Effets de lésions sur le champ visuel de l'Homme. Source:http://svt.leverrier.free.fr/

Section 1.

- Observation : la section ou la lésion du nerf optique droit abolit le champ visuel de l’œil droit, et laisse intact celui de l’œil gauche.

- Interprétation : en avant du chiasma, les fibres nerveuses de chacun des nerfs optiques acheminent vers le cortex occipital les messages nerveux visuels formés dans la rétine de l’œil correspondant.

 

Section 2.

- Observation : la section sagitalle (de l'avant vers l'arrière) du chiasma optique abolit le champ visuel périphérique (temporal). Ne sont conservées, pour chacun des yeux, que les parties centrales (nasales) des champs. • - Interprétation : les objets situés dans les champs des hémirétines nasales de chacun des yeux forment une image sur les hémirétines temporales. Elles sont donc en lien avec des fibres passant par le chiasma sans emprunter la voie sectionnée – au contraire des fibres provenant des hémi-rétines nasales.

 

Section 3.

- Observation : la section du nerf droit en arrière du chiasma optique détruit le champ visuel nasal de l’œil droit, ainsi que le champ temporal de l’œil gauche.

- Interprétation : le tracé effectué à l’issue de la section 2 est confirmé ; le nerf est ici constitué de fibres provenant de l’hémirétine temporale droite et de fibres provenant de l’hémirétine nasale gauche.

 

 Section 4.

- Observation : une section de la voie droite en arrière du relais cérébral (=corps genouillé latéral) produit des résultats similaires à une section en avant de celui-ci.

- Interprétation : un relais correspond à une zone de connexions entre neurones. Les messages nerveux visuels y transitent avant de gagner le cortex visuel, dans la région occipitale. Ici l'on coupe une partie des neurones transportant le message nerveux.

 

En conclusion, voici le véritable trajet d'un message nerveux après étude de ces lésions:

 


Le même schéma complet.
Le même schéma complet.
La même chose en plus simple.
La même chose en plus simple.

Le nerf optique de l'œil droit et celui de l'œil gauche se croisent au niveau du chiasma optique. À cet endroit, la moitié des fibres de chacun des nerfs optiques s'entrecroisent et passent dans l'hémisphère opposé. Les autres fibres rejoignent directement le lobe occipital du cerveau, où se trouvent les centres d'interprétation de la vision. Ainsi, chaque hémisphère reçoit des informations visuelles issues des deux yeux.


Il existe une zone de relais (= relai cérébral = corps genouillés latéraux), située entre le chiasma optique et le cortex visuel, dans laquelle toutes les fibres des nerfs optiques sont en connexion synaptique avec d'autres neurones qui conduisent les messages jusqu'au cortex visuel. La transmission du message nerveux se fait alors par l'intermédiaire de substances chimiques, les neurotransmetteurs.

Ainsi, certaines substances hallucinogènes, en se fixant sur les récepteurs de ces neurotransmetteurs, modifient la perception visuelle.

 

BILAN: différentes régions du cerveau sont impliquées dans la vision : le cortex visuel primaire et différentes aires cérébrales.

La plupart des messages nerveux visuels arrivent dans le cortex visuel primaire droit et gauche. Chacune d'entre elles reçoit des informations provenant des deux yeux. Ainsi, toute lésion située dans cette zone provoque une cécité plus ou moins prononcée.

 

Toutes les informations concernant une image sont traitées en parallèle. Leur intégration et les échanges entre l'ensemble de ces aires permettent ensuite d'avoir une perception globale et unifiée. 

 

III - Vision des couleurs et parenté chez les Primates

 

La vision des couleurs est liée à la présence des cônes au sein de la couche profonde de la rétine qui possèdent de très nombreuses copies d'un pigment qu'ils synthétisent : l'opsine.

 

L'opsine est une protéine synthétisée après l'activation d'un gène (rappels de cours de 3ème: un gène code pour une protéine, lorsque ce gène est activé, la protéine est synthétisée par la cellule). 

  

Voici les primates que nous allons étudier :

- les primates de "l'Ancien Monde" (Asie, Afrique) : Bonobos, Gorilles et Chimpanzés = Hominoïdes.

- les primates du "Nouveau Monde" : Capucin (= Cébus) et Saimiri.

 

Le document ci-dessous détaille la vision des couleurs chez les mammifères dichromates (singes du Nouveau-Monde) et les mammifères trichromates (l'Homme et les grands singes).

On observe que chez les dichromates la lumière est absorbée dans la rétine au niveau des longueurs d'ondes 400 et 600 nm (nanomètres) soit dans le domaine du vert et du bleu.

On observe que chez les trichromates la lumière est absorbée dans la rétine au niveau des longueurs d'ondes 400, 500 et 600 nm. Soit dans le bleu, le vert et le rouge.

Exemple de vision d'un trichromate (chimpanzé à gauche) et d'un dichromate (Saimiri à droite). Source : lycée Jaufrey Rudel
Exemple de vision d'un trichromate (chimpanzé à gauche) et d'un dichromate (Saimiri à droite). Source : lycée Jaufrey Rudel

Tous les primates possèdent le gène B sur le chromosome n°7 qui code pour l'opsine bleue (opsine S) et les gènes M et L sont présents sur le chromosome sexuel X (voir schéma ci-dessous). La vision de l’homme (Primate) est trichromate, elle repose sur le fonctionnement de 3 types d’opsines (protéines) localisées dans les cônes. Les opsines contenues dans les trois types de cônes sont les produits de l’expression de trois gènes localisés sur deux chromosomes différents. Le pigment photosensible des bâtonnets, la rhodopsine provient de l’expression d’un quatrième gène situé sur un autre chromosome. Certains primates sont dichromates, ils ne possèdent que deux types d’opsine au niveau des cônes.

Tous les primates possèdent le gène codant pour l’opsine bleue. La comparaison des séquences des gènes de différentes espèces permet d’établir des relations de parenté.

On suppose que 2 espèces ont un ancêtre commun d’autant plus récent que les différences entre gènes sont faibles. Parmi les primates, on distingue : les singes de l’ancien monde (Afrique, Asie, Europe) : Bonobo, Chimpanzé, Gorille et Macaque et les singes du nouveau monde (Amérique) : Alouate, Cébus, Saïmiri.

Ci-dessous on détaille les séquences des 3 principales opsines présentes chez les Primates étudiés ici :

 

Séquences des bases azotées des 3 principales opsines S, M et L. Source : logiciel Phylogène.

On observe des similitudes (les tirets) quand on compare les séquences les unes par rapport aux autres. La comparaison des gènes codants les différents pigments rétiniens des cônes permet d’évaluer le pourcentage de ressemblance entre les séquences des ospines (pour ensuite permettre la création d'un arbre de parenté des Primates).

On observe que :

- entre l'opsine rouge (L) et l'opsine verte (M) il y a 57,6% de similitudes. On peut conclure que les animaux qui possèdent ces opsines sont de proches. Plus les séquences seront proches et plus le lien de parenté est fort, c'est-à-dire que les animaux sont proches phylogénétiquement.

 

Rappel : dans un arbre phylogénétique, chaque branche représente une espèce, l’intersection entre 2 branches correspond à un nœud et représente l’ancêtre commun des espèces qui en dérivent. La ressemblance entre 2 espèces se traduit dans l’arbre par une proximité entre les 2 branches.

Ci-dessous un exemple d'arbre de parenté construit à partir des séquences des opsines présentes dans les photorécepteurs de ces mammifères. la souris est prise comme extra-groupe (groupe éloigné servant de base d'étude). Ainsi, l'Homme et le chimpanzé sont phylogénétiquement les plus proches : on dit que ce sont de proches parents !

 

 

BILAN.

Chez l'Homme : les grandes similitudes entre les séquences des pigments M et L indiquent une parenté importante entre ces molécules. Les deux gènes M et L sont donc issus d'un même gène ancestral.

 

Chez les autres Primates : le système génétique gouvernant la synthèse des opsines chez le Macaque est identique à celui de l'homme, et il y a de très grandes similitudes entre les gènes du Macaque et les gènes humains correspondants (environ 95 %). L'ancêtre commun à l'homme et au macaque possèdait donc déjà ce génome.

Les singes du Nouveau-Monde ont un système génétique différent : il n'existe qu'un seul gène codant pour un pigment ayant un spectre d'absorption présentant un maximum à plus de 500 nm (au lieu de deux gènes M et L chez le Macaque et l'Homme).


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